François DELAROZIERE, passionné du vivant,
explorateur de formes et de mouvements.
François Delarozière,
passionné du vivant,
explorateur de formes et de mouvements.
C'est autour de 1878 qu'Eadweard Muybridge, s'est évertué à piéger pour la première fois par un procédé photographique au collodion les différentes phases des allures des chevaux. Captivés par ses résultats probants, les journaux n'ont pas tardé à diffuser des planches qui fixaient et révélaient les secrets de la locomotion animale. Ces phototypes d'attitudes d'animaux en mouvement constituent aujourd'hui un élément reconnu de notre patrimoine photographique.
François Delarozière, lui, utilise son sens aiguisé de l'observation allié à la délicatesse du trait de crayon afin de traduire les mouvements significatifs d'un vaste bestiaire personnel. A force de manier l'exercice, il est devenu un maître du croquis ; son trait intuitif, exécuté dans l'inspiration du geste créatif, capte miraculeusement la beauté du mouvement.
Car au fond, ne nous méprenons pas sur ce qu'est un croquis chez cet inlassable créateur.
Ordinairement, croquis cela s'entend comme un travail approximatif, inaugural, voire simpliste, au crayon sur une feuille, une audacieuse économie de moyens au regard d'un résultat tantôt prometteur, tantôt décevant. Or l'effet obtenu par François Delarozière est saisissant de justesse, pour chaque croquis, netteté et concision semblent s'être parfaitement conjugués sur la page blanche. Certainement pas un brouillon qu'il faudrait épurer ou une ébauche imparfaite à laquelle il manquerait des éléments à rajouter ultérieurement. Aucune retouche n'est visible. Tout y est posé d'emblée, avec de surcroît la griffe inimitable du tempérament du dessinateur. Sous nos yeux, c'est l'idée pure, synthétique, l'émergence netteet précise de l'objet imaginé, intouché dans sa gangue d'émotion primordiale. La trace de l'inspiration fugitive est présente aussi bien que le tout du mouvement, la verve créatrice, la générosité d'une créature à naître. Comme si le croquis, issu d'une vision qu'on perçoit aboutie dès son origine, anticipait sur la chose finie. C'est tout cet art singulier du croquis qui suscite l'émotion en contemplant les œuvres de François
Delarozière.
Viendront ensuite, au besoin, d'autres dessins plus aboutis techniquement, issus de cette même observation au plus juste, au plus vrai, ajoutons au plus poétique. L'ensemble de ces dessins, la Compagnie La Machine, au terme d'une grande aventure humaine de création et de construction, leur donnera une vie, une incarnation, dans le gigantisme gracieux d'animaux mécaniques astucieusement articulés. Le rapprochement avec Léonard de Vinci ne constitue pas une hyperbole, mais signale plutôt une parenté associant deux artistes qui se situent entre science et art, entre technique et création pure, avec pour obsession de révéler la beauté du mouvement, son harmonie, sa grâce artistique. Pour François
Delarozière, l'ambition n'est pas de copier la nature mais de donner à la machine la beauté du vivant.
Que le bois, le cuir, le cuivre et même l'acier prennent l'apparence de la peau. Ainsi, qu'il crée une araignée géante, un éléphant, un dragon, un caméléon ou un héron doué de vol, c'est toujours la magie naturaliste du mouvement qui saura magnétiser le spectateur.
Notre enchanteur a ainsi poétisé la ville, réinjecté de la nature dans le quotidien des habitants, donné corps à la force de l'imaginaire en rendant possible, par exemple l'invraisemblable ascension d'un building par une araignée de 35 tonnes de bois et d'acier. Toutes ces mécaniques savantes peuplent désormais notre imaginaire d'urbains fascinés durablement par des scénographies partagées auprès de millions de spectateurs ébahis. Voilà comment de délicats croquis, fragiles préludes, à terme, font naître de puissantes histoires collectives.
Stéphane GONI
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